On m’a souvent dit que je faisais toujours le contraire de
ce qui était demandé, que j’enfreignais les règles comme à plaisir. C’est vrai
que j’ai tendance à mettre les pieds dans le plat (quel que soit le plat) et à
enfreindre les règles mais – MAIS – ce n’est pas par plaisir, c’est parce que
je ne les comprends pas. On me dira – on m’a dit – qu’il n’est pas nécessaire
de comprendre une règle. Le problème, c’est que je ne retiens que ce que je
comprends. Si quelqu’un me dit que le soir, il faut 1) se brosser les dents et 2)
prendre sa douche, je comprends qu’il faut se brosser les dents et prendre sa douche (dans n’importe
quel ordre). Évidemment, je prends des risques et je peux faire des erreurs. Si
dans une recette, on doit d’abord faire revenir le légume A et seulement
ensuite ajouter B, il se peut que ça ne fasse aucune différence de mettre A et
B en même temps, mais il se peut aussi que ça en fasse une. Ou encore, que ça en
fasse une pour les gourmets mais pas pour moi (ni pour mon fils, mon mari ou
mes invités). Bref, ne pas observer les règles à la lettre peut être dangereux.
Sauf que les observer l’est aussi. Et en observer de
mauvaises – ou d’approximatives – encore plus. Comment rester un écrivain
minimalement lisible si on obéit à des règles écrites par des illettrés ou tout
simplement des gens qui refusent de se fatiguer à lire? Comment se garder un
peu d’espace pour penser – ou pire, créer – si on a la tête farcie de règles? Et
d’ailleurs les règles, dans les états dits évolués, pas besoin de courir après,
elles sont là : du code de la route avec ses infinis raffinements – virage
à gauche au feu rouge autorisé ou non, règles d’engagement dans les carrefours
giratoires, etc. – au mode d’emploi des appareils électroniques – souvent si
difficiles à comprendre qu’on se demande (?) si le but n’est pas de vous
obliger à consulter un spécialiste − moyennant finances évidemment! – en passant
par celles qui régissent les impôts, la retraite, les remboursements de frais
dentaires, les frais de copropriété, la facturation du téléphone (Bell, je te
hais, mais Vidéotron aussi!), et j’en oublie, heureusement! Les règles nous
pourrissent la vie, pas besoin d’en rajouter…
Alors oui, c’est vrai, j’avoue, je n’écoute pas toujours
aussi attentivement que je le devrais, je ne respecte pas toutes les règles (en fait j’en respecte le moins possible – et il
en reste encore pas mal) mais il m’arrive parfois d’avoir le temps de jeter un
coup d’œil à mon arbre, celui qui pousse devant ma fenêtre et est devenu mon
alter ego (salut, Brassens!), de lire un livre et même… d’ouvrir le Grevisse
pour y trouver un commentaire intelligent – et généralement nuancé – sur une
règle grammaticale.