lundi 2 décembre 2013

À propos de Gérard de Nerval...

Apollinaire racontait l'anecdote suivante :

Un jour, dans le jardin du Palais-Royal, on vit Gérard traînant un homard vivant au bout d’un ruban bleu. L’histoire circula dans Paris et comme ses amis s’étonnaient, il répondit :En quoi un homard est-il plus ridicule qu’un chien, qu’un chat, qu’une gazelle, qu’un lion ou toute autre bête dont on se fait suivre ? J’ai le goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer, n’aboient pas…

dimanche 1 décembre 2013

Besoin de lait?

Dans son dernier livre, La nostalgie heureuse, Amélie Nothomb raconte qu’à la question « Que lisez-vous? », Victor Hugo répondait avec hauteur « Une vache ne boit pas de lait. »
Il se trouve, écrit AN que je ne suis pas Victor Hugo et que j’ai besoin de lait. 
– Moi aussi, dit Eulalie, j’ai besoin de lait, et même plus… 

vendredi 29 novembre 2013

Elizabeth Gilbert à Tout le monde en parle, le dimanche 24 novembre 2013


Outre le charme personnel d'Elizabeth Gilbert, dont je n'ai encore rien lu*, une des idées les plus intéressantes (sinon les plus originales) est que l'on se dévoile plus intimement en parlant d’autre chose (dans la fiction) qu’en parlant de soi.

*Mais j'ai bien l'intention d'essayer et notamment Committed: A Skeptic Makes Peace with Marriage, livre qui, selon Wikipedia, examine l'institution du mariage « de plusieurs points de vue, à la fois historiques et contemporains, y compris celui des femmes qui n'ont pas envie de se marier ».

jeudi 28 novembre 2013

L'écriture de Stephen King (à propos de Shining)



Au diable les contraintes idéologiques du Nouveau Roman et/ou du behaviorisme : peut-être ne sommes-nous pas Dieu mais il n’y a pas de raison que nous ne puissions entrer dans l’esprit d’un personnage – et même de plusieurs… Et tout ce qui peut rendre la narration (et la lecture) plus facile/intéressante – voire thérapeutique – est autorisé : une histoire d’alcoolique virant « su’ le top » aurait pe été intéressante mais SK l’assaisonne de parapsychologie, de magie, et plus... Un des avantages du procédé est qu’il peut inventer à peu près n’importe quoi, un autre que c’est plus supportable à lire et plus palpitant que la (triste) dégringolade d’un alcoolique, et le dernier qu’il n’a pas l’impression de (trop) se déshabiller tout en y injectant une part consistante de son vécu. 

dimanche 24 novembre 2013

De Toronto à Montréal en passant par Berlin : les micro-bibliothèques de la rue | Bibliomancienne

– Est-ce qu'il faut demander une autorisation à la ville?
– Il faut que j'en parle aux copropriétaires...
– Je suis pas bricoleuse... ou trop paresseuse...
– J'ai pas de livres...
– J'sais pas lire...
Well, on a tous des raisons de ne pas le faire mais c'est quand même une idée formidable!

De Toronto à Montréal en passant par Berlin : les micro-bibliothèques de la rue 
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vendredi 22 novembre 2013

Tout et le reste...

Dieu merci, tout n'est pas dans tout... en dépit de tout

dimanche 17 novembre 2013

La trilogie newyorkaise de Paul Auster

J’ai lu quelque part (je ne sais plus où ni quand) que la Trilogie newyorkaise, qui regroupe les trois romans de Paul Auster mettant en scène le « détective » Quinn, portait sur New-York. Elle se passe en effet (pour autant que quelque chose s’y passe) à New-York, mais en fait, mais elle ne parle que de l’écriture sous toutes ses formes (ou déguisements) : collecte de données, inspiration, recherche, révision, hésitation et même blocage, le fameux writer’s block qui se traduit parfois par l’angoisse de la page blanche, et parfois autrement… (Même si le premier roman, City of Glass, parle aussi de New-York – et des États-Unis en général – d’une façon inoubliable – l’image de la Tour de Babel y est portée à un niveau que je ne me souviens pas d’avoir jamais vu/perçu ailleurs. Mais il s’agit encore de langage.) La citation qui suit, extraite de The Locked Room, le meilleur selon moi de ces textes, en parle de façon directe mais elle trace aussi, me semble-t-il, le canevas du projet de la Trilogie.   

Le narrateur (Auster?) est en train de préparer les textes de Fanshawe (ses propres textes?) pour publication…

[With] checks suddenly arriving from one thing or another, all money problems evaporated. Like everything else that seemed to e happening, this was a new experience for me. For the past eight or nine years, my life had been a constant scrambling act, a frantic lunge from one paltry article to the next, and I had considered myself lucky whenever I could see ahead for more than a month or two. Care was embedded inside me; it was part of my blood, my corpuscles, and I hardly knew what it was to breathe without wondering if I could afford to pay the gas bill. Now, for the fist time since I had gone out on my own, I realized that I didn’t have to think about these things anymore. One morning, as I sat at my desk struggling over the final sentence of an article, groping for a phrase that was not there, it gradually dawned on me that I had been given a second chance. I could dive this up and start again. I no longer had to write articles. I could move on to other things, begin to do the work I had always wanted to do. This was my chance to save myself, and I decided that I’d be a fool not to take it.

samedi 16 novembre 2013

Le printemps selon Auster


[…] la neige commence à fondre. Le matin suivant, le soleil brille de tous ses feux, des  , the snow begins to melt. The next morning, the sun is shining brightly, des bandes de moineaux pépient dans les arbres, et Bleu [c’est le nom du personnage] entend avec plaisir l’eau qui dégoutte du toit, des branches, des lampadaires. Tout à coup, le printemps ne semble plus très loin. Encore quelques semaines, se dit-il, et chaque matin sera comme celui-ci.   
– in Ghosts, traduction d’Eulalie

Aujourd’hui, 16 novembre, 21 degrés sur la balcon, Eulalie s’appelle Bleu et sent tout cela comme lui. Le printemps s’en vient, a-t-elle dit au pompiste – et il a ri de bon cœur. Aujourd’hui, 16 novembre… plus que six mois!


mercredi 6 novembre 2013

À Montréal

Triste et malheureuse à matin
Comme si la marée s’était retirée
Du creux de mon ventre,
Malgré les copines
Et le magnifique coucher de soleil
D’avant-hier :
Empilement de nuages pommelés
Lignés de rouge
Et cette trouée autour
De l’église plein sud
(Peut-être celle de l’UQAM)
Comme une fenêtre sur un ailleurs
Vide,
Limpide.



samedi 2 novembre 2013

Le paradoxe

C’est quand je me décide
À cesser d’écrire
    À jamais – pour toujours
Que ça revient
Et que  je recommence

   Toujours, toujours.

vendredi 1 novembre 2013

▶ Jean Ferrat - on ne voit pas le temps passer - YouTube

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Novembre à Montréal

À travers la fenêtre
Et jusque
Au dessus des toits
Les grands arbres oscillent
Comme des monstres 
Prêts à charger.

D’un bord de l’autre
Comme s’ils voulaient arracher
Leurs pieds pris dans la glaise
Se coucher au sol, se jeter
Sur les baraques dont
Les charpentes de bois
Ne sont pas de taille

Fragilité de la ville – notre ville
De la vie
Puissance 
De la nature - violence
Lumière crépusculaire en plein midi
Puis…

Le ciel s’éclaircit soudain –
D’un seul côté :
Ombre et lumière en diptyque
Puis…

Tout est clair!

Ne reste que ce malaise intérieur,
Cette peur,
Cette conscience fugitive
– Inutile
D’être à la merci du vent.

Un peu plus tard, ça recommence
Et puis...

Vingt-trois degrés!

Ah oui?
Mais le vent s'en moque!
Qu'il fasse froid ou chaud
Clair ou nuageux
Il se paie la traite sur les passants
Fait claquer la porte d'acier
À deux doigts de ma tête
Droit sur mon pied.

Il coupe les lignes électriques
Jette les branches à bas
Terrifie les petits enfants
(mais permet aux grands
de bomber le torse : Ben quoi?
Juste un petit vent, moumoune!)
Et envahit même nos ondes
Où l’on entend que :
« À près de 100 km heures, le vent peut être dangereux... »
Sur le ton de :

« Mesdames et messieurs bienvenue à bord. »

jeudi 31 octobre 2013

La semaine dernière à Saint-Jean

Automne -
Un voilier d’oies dorées
Sur fond de nuit bleu-nuit.

Ne partez pas!
Mais il gèlera quand même
Qu’elles partent ou pas.

vendredi 25 octobre 2013

L'usage du monde selon Nicolas Bouvier

Il y a quelque temps, circulait sur Facebook, un jeu consistant à quelque chose près à ouvrir un livre à la page xx et à recopier la phrase qui commençait à la ne ligne. Je n’y ai pas joué faute de temps, d’énergie ou de désir – pick your choice – mais voici un livre que je crois que l’on peut ouvrir à n’importe quelle page… Prenons, par exemple, la 96e (de l’édition de poche).

Au Moda-Palas les domestiques étaient, pour une fois couchés. Nous fîmes le bagage en silence. Il y avait encore de la lumière chez la patronne. On passa la tête par la porte entrebâillée pour lui dire adieu et merci. Mme Wanda ne nous vit pas tout de suite. Elle était assise immobile dans un lit à colonnes à côté d’une veilleuse allumée, un livre ouvert devant elle – du Mérimée, je m’en souviens – dont elle ne tournait plus les pages. Jamais nous ne l’avions vue tout à fait éveillée et présente aux choses, comme si des voix d’ailleurs étaient constamment venues l’en distraire. Nous ne la connaissions presque pas. On l’appela doucement pour ne pas l’effrayer. Elle nous vit, vit nos habits de voyage et dit : Dieu vous bénisse, mes petits pigeons... la Madone vous protège, mes agneaux », puis elle se mit à parler polonais, longtemps, sans s’interrompre, avec des inflexions d’une tendresse si désolée qu’il nous fallut un moment pour nous rendre compte qu’elle ne nous regardait plus, qu’elle ne s’adressait plus à nous, mais à une de ces ombres très anciennes, et chères, et perdues, qui accompagnent les vieilles gens en exil et tournoient au fond de leur vie. On referma la porte.

J’ai dit « je crois » parce que c’est un livre qu’on ne peut (moi en tout cas) absorber qu’à petites bouchées – ou plutôt « gorgées » tant il est pétillant (rien que le titre est à lui seul un poème). Du coup, bien que je l’aie commencé depuis quelque temps déjà, je n’en suis qu’à la 100e, à une ou deux près, sur 418! Encore bien du plaisir en perspective…

Ref. : Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Dessins de Thierry Vernet, Payot, 1963 (lu dans l’édition de poche, Payot et Rivages, 2001)

Noté sur mon agenda il y a deux jours....

Rentrer/couper laurier rose (gants)

***

C'est fait mais sans les gants,
Or le laurier rose est toxique.
Oups!

jeudi 24 octobre 2013

Pour se divertir, les moines copistes gribouillaient les marges

mercredi 23 octobre 2013

Nina Simone - Don't Let Me Be Misunderstood - YouTube

mardi 22 octobre 2013

Au Canada comme en Chine

Essayant chacun des rameaux gelés,
L’oie sauvage choisit de ne pas se percher
Tandis que les feuilles d’érable tombent, glacées,

Sur la rivière Wu. (Su Dongpo cité par Qiu Xialong; c'est moi qui souligne)

Je suis une oie sauvage gelée, 
mais je me suis perchée
et regarde tomber
les feuilles glacées.

lundi 21 octobre 2013

Nuage voyageur dans le ciel chinois

Un nuage voyageur
Qui oublie de revenir,
Ignorant que le printemps touche à sa fin.


Poème de Yansi cité dans Encres de Chine par Qiu Xiaolong, qui signale que dans la littérature classique [chinoise], très souvent, le mot « nuage », associé au mot « pluie », suggérait l’acte sexuel.   

vendredi 18 octobre 2013

Gershom Scholem


Là où Dieu se tenait jadis, se tient aujourd’hui la mélancolie.

 cité par Finkielkraut dans Le Livre et les livres.

... La version d'Eulalie (déjà citée, je crois) : « Dieu ou Prosac! »
Évidemment c'est moins romantique... Mais je suppose que chez Scholem, la mélancolie non plus ne l'est guère!

dimanche 13 octobre 2013

Le bleu du Richelieu

Bleu, bleu,
Ce n’est pas le ciel de Provence
Mais il est beau quand même,
Le bleu du Richelieu
… en ce jour d’automne
qui ressemble au printemps.

Bleu comme la robe
D’une Sainte-vierge,
Comme la coque bleue

D’un improbable bateau à voile. 

samedi 12 octobre 2013

Le lit – la plage

Paupières éblouies de soleil
Mer bleue plein la tête
Grains de sable au bout des doigts

Sur le campus Saint-Jean

Temps froid :
Les mouettes
Frissonnent en silence
Le long du Richelieu

Temps gris :
À l'arrière plan
La brume
Confond le ciel et l'eau.

***

Plus tard, 
tandis qu'émerge l'autre rive
et que miroite la rivière
les mouettes caquettent.

Pourtant, 
elles ne crient pas encore :
j'haïs leur cri.

***
Tant qu'elles restent à terre
Elles ont l'air de gros pigeons.

Avec leurs ailes
Au bout tacheté noir et blanc, 
Ce sont des "rieuses" 
Si l’on en croit Wiki

***

À midi, les mouettes
Ont été remplacées
Par des matheux fébriles

Les pissenlits
dandelions c’est plus joli –
Sèment leurs graines à tout vent
(sauf qu’il n’y a pas de vent)

mercredi 25 septembre 2013

Hommage à Bashō (numéro 2 ou 3…)

Je suis un étang tranquille,
Sur ma rive,
Des roseaux graciles

L’hiver a fait fuir les canards,
Et sous un bananier,
Un petit bonhomme ridé
Me fait un clin d’œil complice
Quand la rainette plisse

Ma surface lisse

lundi 19 août 2013

Il appuya sur l'accélérateur, puis, comme pour dire que c'est lui qui s'en allait...

He laughed and jammed his accelerator, spraying slush and oily grit from the asphalt. I covered my face as he scorched a half circle. Then, as if to say that he was the one leaving, he raced into traffic, cars braking and swerving, and soon his truck was gone from sight.

C’est la dernière  fois que le père et le fils se sont vus et ça me fait penser à la façon dont mon père a toujours hâté nos adieux – y compris le dernier. 

 Déni Y. Bouchard, Cures for hunger

mercredi 14 août 2013

L’École de la tchén’ssâ | L’Oreille tendue

Pour ceux qui ont aimé Arvida comme pour les autres...
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jeudi 8 août 2013

Canicule

Vent frais du matin....
Après la chaleur de chien
Le laurier, mon 
laurier rose, en rosit de bonheur.

vendredi 19 juillet 2013

Mon nouveau lave-linge est tellement silencieux que ça m'angoisse!

Avant je le gérais au son (de la même façon que mon chum « gérait » son fils quand il était petit…) Aujourd’hui, il faut que je colle mon oreille dessus – et encore! C’est comme les vélos qui vous arrivent par derrière sur le trottoir. On ne les entend pas! Après (ou pendant) la lutte contre le bruit – celui des voitures qui passent sous ma fenêtre par exemple – faudra-t-il  se mettre à lutter pour le bruit?

jeudi 18 juillet 2013

Tous mes amis sont des superhéros (All My Friends Are Superheroes) de Andrew Kaufman

La superparesseuse et (ou) superétourdie que je suis (voir ci-dessous) avait tout simplement oublié de publier ceci, écrit il y a déjà quelques semaines (ou mois)...


L’idée du livre est que tout le monde est – peut être  un superhéros, ou presque : Tom n'est pas un Superhéro mais tous ses amis, Superperfectionniste, Superparesseux (j’aurais pensé que ce soit moi mais je suis battue!), Super-ma-moto-fait-du-bruit, etc. le sont. Au début, j’ai craint que ce soit un truc et que le livre se résume à ça, mais c’est surtout une façon d’identifier les protagonistes, et ce, d’une façon particulièrement efficace , qui élimine les prénoms, les descriptions physiques et tout autre détail pseudo-réaliste inutile. Une économie de moyens qui se traduit dans le format du livre – une centaine de pages très (très) aérées – et laisse toute la place à l’histoire, dont je ne dirai rien pour ne pas gâcher le plaisir! Ce que je peux dire, en revanche, c'est que c'est drôle, touchant, et que la chute finale est tout simplement formidable. 

Une petite citation? Voici : il s’agit d’une des premières rencontres entre Tom, le héros du livre et sa petite amie, Superperfectionniste. Tom est soudain assailli par le Monstre de l’angoisse. Après quelques passes d'armes avec ledit montre, il finit pas s’évanouir. À son réveil, Superperfectionniste est en train de faire une réussite.

« Ça va mieux? » demanda-t-elle.
Oui, tout allait pour le mieux et le Monstre de l’angoisse avait disparu.
« Qu’est-ce qui s’est passé?
– Il est parti, répondit-elle en déposant un neuf noir sur un dix rouge.
– Comme ça, juste parti?
– Il n’y a que deux façons de se débarrasser d’un monstre d’angoisse, mon cher : prendre un bain, ou faire un somme. » 



Arvida, Québec

Arvida, c'est le nom d'une cité industrielle construite par l'Aluminum Company of America considérée par un remarquable exemple d'architecture industrielle et candidate au patrimoine mondial de l'Unesco. A priori, rien pour me donner envie de lire ces nouvelles, non que je n'aime pas l'architecture mais je ne sais pas... tout cela semblait bien austère et je n'avais pas vraiment envie de lire un genre de « défense et illustration » des bienfaits de l'architecture moderniste... 

Mais voilà... Ce n'est pas ça, ce n'est pas du tout ça, c'est autre chose et c'est mieux. Entre autres parce qu'au Québec, pour des raisons dont je n'ai pas encore fait le tour qui combinent l'isolement, la tradition, l'arrivée relativement tardive de la modernité, etc., un ouvrier est (ou était) toujours (ou presque) un trappeur, ou au moins un chasseur, un gars de bois plus heureux sur un skidoo ou un motorisé tout terrain (un "quatre roues" comme on dit ici, peut-être parce qu'ils permettent d'emprunter les chemins accessibles auparavant seulement en motocross ou en skidoo). Et s'il n'en est pas un, il en connait. En tout cas, les meilleures histoires que j'aie entendue ici avaient quelque choses à faire avec le bois, que ce soit l'exploration minière ou la chasse. À cette inspiration, Archibald combine une affinité avec le Japon qui lui permet, me semble-t-il de prendre avec ses personnages la distance nécessaire (même si je n'ai pas beaucoup aimé la nouvelle sado-maso japonisante).

Un échantillon?

Pendant la récolte, au mois d’août, quand la météo annonçait un gel au sol, on allumait aux coins de la bleuetière de gros brasiers. Le vent faisait virevolter les flammes et poussait la fumée; elle rampait entre les pieds, enveloppait leurs feuilles et protégeait les bleuets du froid. Quand le vent était faible, il fallait l’aider en agitant devant les bûchers de grandes couvertures. Dans la noirceur, on aurait dit des passes de cape, des véroniques effectuées juste devant le museau de grands taureaux en flammes. Il aurait pu penser à ça, Jim, au lieu d’aller se tuer. Ces gens-là formaient une race de bâtisseurs aux pieds pesants, incapables de s’installer nulle part sans jeter par terre un million d’arbres et tirer du fusil partout. Ces gens-là étaient rusés et idiots, tendres et cruels, obèses mais forts comme des chevaux. Il fallait les voir s’agiter avec une grâce de matador, dangereusement près des grands brasiers, pour sauver du gel de fragiles baies violettes pas plus grosses que des petits pois. Il aurait pu aller vers eux, Jim, au lieu d’aller se tuer. Ces gens-là sont capables de briser un cou de poulet à mains nues, mais ils ne laissent jamais mourir les choses délicates que le Seigneur leur confie.
Pas avant l’heure de la récolte, en tout cas. (p. 111)

Ah, j’oubliais : Il s’appelle Samuel Archibald, et c’est aux éditions Le Quartanier…

mardi 11 juin 2013

Hervé Guibert, La table de travail, 1989, Villa Medicis

 
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samedi 25 mai 2013

Syracuse de Dimey et Salvador - YouTube

J'aimerais tant voir Syracuse
L'île de Pâques et Kairouan
Et les grands oiseaux qui s'amusent
A glisser l'aile sous le vent

Voir les jardins de Babylone
Et le palais du grand Lama
Rêver des amants de Vérone
Au sommet du Fuji-Yama

Voir le pays du matin calme
Aller pêcher au cormoran
Et m'enivrer de vin de palme
En écoutant chanter le vent

Avant que ma jeunesse s'use
Et que mes printemps soient partis
J'aimerais tant voir Syracuse
Pour m'en souvenir à Paris

mardi 30 avril 2013

J'ai pour toi un lac -- Gilles Vigneault

J'ai pour toi un lac quelque part au monde
Un beau lac tout bleu
Comme un œil ouvert sur la nuit profonde
Un cristal frileux
Qui tremble à ton nom comme tremble feuille
À brise d'automne et chanson d'hiver
S'y mire le temps, s'y meurent et s'y cueillent
Mes jours à l'endroit, mes nuits à l'envers.

J'ai pour toi, très loin
Une promenade sur un sable doux
Des milliers de pas sans bruits, sans parade
Vers on ne sait où
Et les doigts du vent des saisons entières
Y ont dessiné comme sur nos fronts
Les vagues du jour fendues des croisières
Des beaux naufragés que nous y ferons.

J'ai pour toi défait
Mais refait sans cesse les mille châteaux
D'un nuage ami qui pour ma princesse
Se ferait bateau
Se ferait pommier, se ferait couronne
Se ferait panier plein de fruits vermeils
Et moi je serai celui qui te donne
La terre et la lune avec le soleil.

J'ai pour toi l'amour quelque part au monde
Ne le laisse pas se perdre à la ronde.

dimanche 28 avril 2013

Montréal, l'hiver

Dans la chambre,
À travers la vitre,
Le soleil sur la peau.

Le SOLEIL sur la PEAU

samedi 27 avril 2013

Montréal

Octobre : le laurier rose
Il faut le rentrer.

Avril : quand va-t-il s'arrêter
de geler?

vendredi 26 avril 2013

Un caillou dans la pâte...


Angoisse :

Comme un caillou dans la pâte
D’un muffin anglais

Comme un caillou dans la chaussure :
Je suis la chaussure.

Comme un caillou que la mer
N'a pas assez roulé.

lundi 1 avril 2013

Rebirth


En ce jour de printemps à n’y pas croire
Où la lumière me semble cascader et se rouler
Sur le sol de ma chambre
Comme un chat fauve,
Aussi dense qu’une coulure de lave,
Où je sens ma poitrine gonfler
Comme une pâte qui lève au four, dissolvant même
Par son action, le noyau de glace éternelle
Logé dans mon sternum,
En ce jour de printemps glorieux
Le mot qui germe dans ma poitrine est :
Rebirth 

jeudi 28 mars 2013

Un peu de poésie, de la part de Corinne Jasicki

" J'aimerais qu'il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources.
[...]
de tels lieux n'existent pas, et c'est parce qu'ils n'existent pas que l'espace devient question, cesse d'être évidence, cesse d'être incorporé, cesse d'être approprié. l'espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n'est jamais à moi, il ne m'est jamais donné, il faut que j'en fasse la conquête.


mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l'oubli s'infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés.
[...]
l'espace fond comme le sable coule entre les doigts. le temps l'emporte et ne m'en laisse que des lambeaux informes :
écrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. "

Georges Perec - Espèces d'espaces


Photo : Masao Yamamoto

mercredi 27 mars 2013

Giorgio Morandi




Soleil, soleil


J'veux aller sur la Main
Voir le mond’ qui s’promène
J'veux aller au marché
Sentir et regarder
Les yeux écarquillés
Les légumes nouveaux
Et les passants pressés
Faire griller de l’agneau,
Acheter des asperges.
Dans ma chambre plein sud
Me baigner de lumière
Les deux pieds sur la couette,
Un roman à la main… 

mardi 19 mars 2013

J’en ai marre de l’hiver, mais…



À pleines vitres, la neige
Se rit de mon dépit
Et pour me faire la nique,
Empingouine un sapin 
Dont les branches accablées 
Me font avec leurs pointes
Dentées comme des ailes
Si fort penser, de Riopelle,
À l’hommage à Rosa.

jeudi 14 février 2013

Je m’appelle Boris...


I came to understand that Boris responded far more directly to the indirect; that is to say, his real emotions surfaced only when mediated by the unreal. Time and again, I had sat dry-eyed beside him while ne snuffled and wept over actors on a big, flat screen. I had never, ever seen him cry in the so-called real world, not for Stephan [frère de Boris], not for his mother, nor for me or for Daisy or for dead friends or for any human being who wasn’t made of celluloid.

(Extrait de The summer without men de Siri Hustvedt)

vendredi 8 février 2013

Poisson pilote


La belle
et émouvante
teinte saumon d’une des feuilles
trilobées
de mon oxalis regnellii.

Elle a trop d'eau,
Elle va mourir,
Répond l'écho. 

mercredi 6 février 2013

The sea is my brother (Kerouac) IS my brother


Je ne sais pas ce qu’il y a le plus dans ce petit livre précoce : de bragging juvénile ou de zen, de construction intellectuelle ou de sensation vécue, d’amour filial ou d’égoïsme adolescent, de désespoir ou d’élan vital, de naïveté ou de lucidité  je ne sais pas. Émouvant. 


Hiver 2012 à Montréal


Neige horizontale
par le carreau de ma fenêtre,
fuite éperdue devant le vent.

Neige horizontale
À contresens.