C’est mon amie Hélène qui m’a signalé ce passage de La Recherche…
« [Q]uand
[Bergotte] se levait une heure dans sa chambre, c'était tout enveloppé de
châles, de plaids, de tout ce dont on se couvre au moment de s'exposer à un
grand froid ou de monter en chemin de fer. Il s'en excusait auprès des rares
amis qu'il laissait pénétrer auprès de lui, et montrant ses tartans, ses
couvertures, il disait gaiement : « Que voulez-vous, mon cher, Anaxagore l'a
dit, la vie est un voyage. » Il allait ainsi se refroidissant progressivement,
petite planète qui offrait une image anticipée de la grande quand, peu à peu,
la chaleur se retirera de la terre, puis la vie. Alors la résurrection aura
pris fin, car, si avant dans les générations futures que brillent les œuvres
des hommes, encore faut-il qu'il y ait des hommes. »
C’est déjà assez beau déjà et je suis très émue de retrouver
chez Proust cette terreur intime de la disparation ultime de la planète, de l’humanité
et de la culture que je connais bien. Aussi, j’aurais pu m’arrêter là mais la
suite a aussi ses mérites :
« Si certaines espèces d'animaux résistent plus
longtemps au froid envahisseur, quand il n'y aura plus d'hommes, et à supposer
que la gloire de Bergotte ait duré jusque-là, brusquement elle s'éteindra à
tout jamais. Ce ne sont pas les derniers animaux qui le liront, car il est peu
probable que, comme les apôtres à la Pentecôte, ils puissent comprendre le
langage des divers peuples humains sans l'avoir appris. »
Je ne me souvenais pas que Proust eût ce genre d’humour…
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