D'Hamid
Skif (écrivain, poète et journaliste algérien né à Oran le 21 mars 1951et
mort à Hambourg le 18 mars 2011),
un paragraphe écrit avant 2006 mais qui prend tout son relief à la lumière des
événements récents. Le protagoniste est un ex-chômeur qui vit en situation « irrégulière »
en France, caché dans une chambre de bonne pour échapper aux contrôles
policiers. Il imagine ce qu’il dirait aux autorités s’il était arrêté :
[C]’est la faim qui m’a amené dans
votre pays et s’il se trouvait un autre pays pour m’éviter de mourir de faim,
je m’y rendrais volontiers tout de suite, mais ne croyez surtout pas que je
suis un politique. Rien à craindre de ce côté.
C’est
seulement la faim, monsieur, la faim qui vous dévore, qui fait de vous une
bête, un chien, une chenille, et qui vous traîne par la manche vers le chenil à
la porte duquel on a posé l’écuelle de pâtée que vous avalez en remerciant le
ciel, les arbres, la terre, les clébards, les serpents, les torrents et
l’inventeur de l’humanité de vous avoir permis de vivre cet instant béni. Vous
ne me croyez pas? Libre à vous. Qui vous a dit que j’étais un opposant? Ne
croyez pas vos fiches. Elles sont fausses. Il n’y a plus d’opposition chez
nous. À quoi voulez-vous qu’ils s’opposent : à rien? Vous avez raison.
J’ai été condamné pour la création d’une ligue de chômeurs diplômés. C’est ce
que vous appelez de l’opposition? C’est vous qui le dites.
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