Tout
ça pour dire qu’Eulalie a bien de la peine à faire son ménage (heureusement qu’il
y a Roomba!) ainsi qu’à préparer ses repas. Pourtant il faut manger (il lui
arrive d’avoir faim…) et en plus, la coquine se paye le luxe d’être difficile.
Foin de ces repas congelés qui sont parfois bons une fois (quoique le goût moyen
ne soit pas le goût de tous) mais qui à la deuxième et surtout à la troisième
fois deviennent si lassants… Elle préfère manger un quignon de pain (parfois
aux noix, parfois au levain, ou les deux) avec un morceau de fromage ou une
tranche de saucisson. Une feuille de salade, un V8 (sans « sodium », c'est-à-dire,
pour le dire simplement, sans sel),
un demi-fruit, un rouge-perrier (eh oui! Eulalie n’a pas peur de boire son
rouge avec du perrier : ça endort moins et ça fait des bulles!) ou un
rosé-perrier ou même un blanc-cassis-perrier, voilà ses menus les plus
courants. Avec les restes – car Eulalie fait quand-même à manger de temps en
temps, pour un mari, pour une fille, pour des amis. Et quand il y en a, elle
conserve les restes dans de petits bacs, qu’elle met au congélateur. Ainsi
peut-elle de temps en temps agrémenter l’ordinaire d’une petite part de gratin
dauphinois, d’osso bucco ou d’omelette aux champignons, remplacer le saucisson
par de fines tranches de roastbeef (le couper encore un peu gelé, c’est plus
facile), voire ajouter une part de gâteau ou une cuillerée de sorbet.
Il
y a aussi le plaisir du marché. En principe, Eulalie fuit les supermarchés
comme la peste. C’est pas beau, disons-le tout net, et c’est fatigant (il faut
se rappeler où sont les choses, marcher, marcher en ne voyant que des boîtes
rangées sur des étagères ou dans des armoires frigorifiques, pousser de gros chariots
prévus pour des familles de quinze ou des réserves pour six mois, mais bon…
toute bonne règle ayant ses exceptions, l’autre jour, Eulalie est allé faire les
courses chez IGA vu qu’il y en avait un en face du garage où elle attendait sa
voiture. En plus, il y a des trucs qu’on ne trouve que dans les supermarchés :
le perrier en bouteille plastique (oui, je sais, c’est pas écolo, quoique… mais
en tout cas c’est beaucoup moins lourd!) les fameux V8 sans sodium et quelques
autres petites affaires… Elle avait donc pris « son » perrier et « ses »
V8, ainsi que du lait (un indispensable) quand elle est « tombée » sur
les congelés de poisson et fruits de mer. Profitons-en,
a-t-elle pensé, il faudrait quand même que
j’ai quelques trucs dans le frigo pour le prochain « vrai » repas…
Elle avait donc examiné rapidement l’offre peu appétissante (le filet carré, ça
lui a toujours fait un drôle d’effet…) jusqu’à ce que ses yeux se posent sur
les crevettes.
Eulalie
adore les crevettes, ou plutôt… En fait, elle en était venue à se demander si
elle les aimait encore – et même si elle les avait jamais vraiment aimé – parce
que chaque fois qu’elle en achetait, elle était toujours déçue, jusqu’à ce que récemment
(en fait, il y a plus d’un an), invitée dans la famille, elle ait l’occasion den
manger en les faisant cuire sur un de ces plats à raclette dont on se sert
désormais pour faire cuire à peu près tout. Évidemment au départ, les crevettes
étaient crues – donc grises, ce qui l’avait un peu étonnée – mais avant même de
goûter, elle avait pu observer avec ravissement leur « rosissement »
progressif sur la plaque. Et en plus – oh miracle! – elles étaient bonnes. Peut-être
le secret était-il là : acheter les crevettes crues. Eulalie, un peu niaiseuse
(c’est elle qui le dit), n’y avait pensé. Et ce jour-là, justement…
Bref,
pour faire une histoire courte (je veux dire un peu moins longue), Eulalie a
acheté des petites crevettes (grises donc crues) et les a tout bonnement jetées
dans la poêle en rentrant. Elle a donc pu revoir les petites crevettes rosir doucement.
Après quoi, elle les a aspergées d’un filet de citron (à peine, à peine, pour
ne pas noyer le goût), d’un peu de crème (un « nuage » comme un dit,
quoique ça fasse moins nuage sur les nouilles que dans le thé), et les a
accompagnées d’une poignée de pâtes réchauffées au micro-ondes et saupoudrées
de parmesan.
Pas
mal, s’est-elle dit en les mangeant, pas
mal du tout! On pourrait en conclure
que Mélanie est aussi paresseuse – ou modérée – dans ses appréciations que dans
les autres aspects de sa vie, mais ça, j’en suis moins sûre… Car, rappelez-vous
de Corneille : Va, je ne te hais
point (c'est-à-dire je t’adore) : on appelle ça une litote!
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